DERNIERES NOUVELLES...

Depuis la publication en 2008 d'OCCURRENCES, recueil de 13 Nouvelles illustrées, j'ai pu écrire quelques histoires supplémentaires qui pourraient constituer un deuxième volume...
Cependant, mon actualité va privilégier, pour 2014, la publication de deux ouvrages dans le cadre du Centenaire de la Grande Guerre, et les Nouvelles, contrairement à leur nom, seront donc remises pour des temps futurs...
Or, pour ceux qui ne me connaissent pas, j'ai décidé de publier ici, une "dernière nouvelle" inédite et "brute de décoffrage"...

Merci, de me donner un commentaire sur cette fiction... peut-être pas si éloignée de ce que l'on nomme la "vraie vie"?



La Quille…

Ce qui suit, s’est passé à la fin d'un mois de septembre, il y a deux ou trois ans... je ne sais plus. Au hasard d’une pause-café je m'étais arrêté dans un petit bistrot près de Bourges, sur cette longue route de voyage vers Valenciennes.
Dès la porte ouverte, je fus surpris de trouver ici une folle ambiance très joyeuse pour un après-midi !
Accrochés autour du zinc, cinq quinquagénaires se bousculaient gentiment, des bras et des épaules… Les voix étaient fortes, viriles, extraverties.
Amusé par leurs délires et bien que je fus assis face à eux depuis un bon quart d'heure, je n’avais pas remarqué au début qu’ils s'agglutinaient tout autour d’une quille de bois juchée sur le bar.
C’était une étrange atmosphère associative, pour ces cinq types, un peu éméchés, bedonnants, certains déjà chauves, d’autres fortement grisonnants et qui semblaient fêter leurs retrouvailles autour de leur ancien trophée militaire, symbole de toute leur jeunesse perdue.
Les minutes passaient et, à leurs interpellations réciproques, je savais maintenant qui étaient respectivement les : René, Pascal, Jean-Pierre, Philippe et Dominique.

J’étais un peu étonné de cette cérémonie fortement arrosée, qui me rappelait l’ambiance des comptoirs des bars de Metz que j’avais un peu fréquentés moi-même, du temps où j’étais immergé « les pieds marchant à fond dans le kaki », comme on le disait à l'époque. C’était en 1978… Il y a plus de 35 ans déjà !
La Quille !
N'était-ce pas une drôle de tradition ? Et qui peut, parmi les jeunes d'aujourd'hui, s'imaginer encore ce que c'est ?
À part, une ou deux égarées sur des étalages de brocantes, je n’en avais jamais revue depuis, et surtout, il y a bien longtemps que je n’avais plus assisté à une célébration aussi festive, surprenante de ferveur à la toute sainte dévotion de ce petit morceau de bois !
À les écouter et pris dans leur jeu, mes souvenirs me revenaient subitement. Tout d’abord sur ces « quillards », enfin libres, heureux de rentrer chez eux et crânant devant la bleusaille que nous étions…
Puis, tout au long de cette année d’armée, le rappel incessant du compte à rebours des jours restants où chaque appelé annonçait régulièrement le « score de sa classe », sous la formule rituelle, fameuse et très distinguée :
- « Hé, dis donc bleu-bite ! Combien tu pêtes aujourd'hui ?... 300 combien ?... Moi c’est 15 au jus, mon pote, 15 dans ta gueule ! »
Chacun à notre tour et tous les deux mois, nous comptions les départs et nous prenions aussitôt du galon vis-à-vis des nouveaux arrivants…
Et puis, nous assistions aux longues préparations des dernières semaines, de cette libération tant espérée, qui se traduisait par l’avancement du travail quotidien sur ce fameux bout de bois symbolique, partagé par tous les copains de chambre.
Habituellement, elle était bichonnée cette quille, sculptée, polie, vernie, ornée des pucelles et des fourragères achetées dans les boutiques des Foyers des casernes et marquant les périodes d'instruction ou les visites dans les différents camps lors des grandes manoeuvres…
J’observais attentivement la-leur, dès que l’un deux laissait un champ de vision libre sur l’objet, au cours d’une accolade appuyée vers son voisin.
En fait, elle était tout à fait quelconque et rien ne semblait justifier ce piquet d'honneur, véritable garde attentionnée et couvant ce trésor ! Elle était tellement banale, qu'on aurait pu facilement la confondre avec un poteau de balustrade tant elle en avait une allure semblable. Seules deux petites ailes de contreplaqué sur ses côtés lui donnaient une originalité ainsi qu’une longue fourragère aux couleurs de la Croix de Guerre qui lui pendait comme la laine d’une quenouille.
Sur ces ailes, des noms y étaient gravés avec attention, certainement celui de leurs déplacements : Suippes, Lure, Trèves en Allemagne, Mourmelon, Canjuers…
Sur le fût vertical, se retrouvait la liste des copains !
En les observant de ma table, trente-cinq ans plus tard, j’avais un grand sourire au coin des lèvres… Mais ce sourire n’était pas ironique, il était simplement tendre et ému envers ces types, d'un peu de mon âge, qui braillaient comme des ados en entonnant les airs célèbres de l'époque:
« Les oies sauvages, vers le nord,
Leurs cris dans la nuit montent
Gare au voyage car la mort,
Nous guette par le Monde… »
Après les chants, après les verres vidés les uns après les autres, après les embrassades et les larmes aux yeux, ils en vinrent aux bonnes anecdotes…
- Tu te souviens de la levée des couleurs avec l’Instit ? disait René.
- Ha, ce con-là ! Répondait Dominique dans un long soupir.
- Il fallait qu’il fasse toujours le guignol pour nous faire marrer tout le temps et afficher son antimilitarisme de gauche ! Vous vous souvenez, ce matin là, quand pendant la montée des couleurs il s’était mis à siffloter tout bas, l’air de « La Piste aux Etoiles » ?
- Ah! la vache, oui ! Reprenait René, la moitié de notre section avait éclaté d’un fou-rire communicatif incontrôlable. Putain que ça a chauffé ! Le capitaine, un ancien d’Algérie qui n’avait pas beaucoup d’humour, lui avait vite fait comprendre comment il fallait respecter dignement le drapeau ! Il lui avait foutu huit jours de trou !
- Oui, je m'en souviens, reprenait Dominique, il les avait passés dans la cellule du Poste de Garde. Et à partir de là, ce n’était plus pareil ! Interdiction de sortir, même pour aller pisser, interdiction de parler à quiconque, pas de douches, pas de courrier, pas de radio ni de livre… Rien ! Tout ça dans un local de trois mètres carrés tout au plus, sans chauffage, une paillasse infecte à même le sol, un seau pour sanitaires et la bouffe simplifiée en qualité et en quantité minimum. Bref, c’était le bagne, juste pour avoir tenté de plaisanter avec une petite musique de cirque ! Quand il est sorti du cachot, j’ai cru qu’il allait craquer ! Il était complètement cassé et dépressif. Toutes ses permissions étaient supprimées jusqu’à nouvel ordre et il avait l’obligation de prolonger son service militaire du nombre des jours de prison qu’il avait pris. Vous vous souvenez qu'il était marié à cette époque et soutien de famille car il avait déjà une petite gosse. Je crois que sa bêtise lui avait coûté très cher au moral !
- Je souviens aussi quand il m’a dit qu’on l’avait menacé durement :
« Mon gars, il me semble que tu es au service de l’Eduction Nationale ? Hé bien, t’as intérêt à filer tout doux sinon tu ne retrouveras ni ton école, ni ta classe à la sortie, parce que ce sera mentionné en rouge sur ton dossier ! T’as intérêt à te calmer, à rentrer fissa dans le rang et de bien faire gaffe à tes fesses ! »
- C'est vrai, tout ça nous avait tous bien refroidis !
- Allez les gars, on lève notre verre à l’Instit !
- À l’Instit! à l’Instit! à L’Instit! à l’Instit ! Firent les autres verres de bière qui s’entrechoquaient fermement et joyeusement…
- Oui, c’était vraiment des salops reprenait Philippe. Plus les galons étaient maigres et plus ils étaient emmerdants en abusant de leur tout petit pouvoir ! Et si tu avais le malheur d’avoir fait quelques études et d’avoir le Bac, tu y avais le droit ! On n’aimait pas les intellos. D'ailleurs je m’étais bien fait baiser !
« Qui sait parler allemand ? Levez le doigt ! Toi ?... Prends ce balai et le seau ! Corvée de chiottes toute la semaine !… »
- Et le coup du mégot ? Renchérissait René, encore visiblement furieux d’un vieil incident.
- Ah ! Si je m’en souviens ! reprit Jean-Pierre d’une voix « à la Jean Gabin ». J’étais suffisamment amoureux en ce temps là pour m’en souvenir toute ma vie !
- C’était après nos manœuvres en Allemagne. On s’était tellement caillés pendant ce fameux hiver dans la boue et la glace à Trèves, Trier pour les allemands, et on était trop heureux de rentrer enfin au bercail ! Tiens vous vous rappelez, les gars, de cette semaine passée dans la neige et pendant laquelle ils ne nous avaient filé que des poulets crus avec aucun réchaud, rien du tout pour les cuisiner ?…
« Démerdez-vous !  On n’est pas vos gonzesses ! »
Fallait pas se plaindre, les poulets étaient déjà tués et plumés !
- Mais il n'y avait pas le moindre petit bois sec pour allumer un feu...
- C'est sûr, on se gelait dur aussi à faire des gardes toutes les nuits, les pieds sur le verglas, sans la moindre chaleur dans la guérite ouverte aux quatre vents… 
- Dès fois que les Cocos Rouges viendraient nous attaquer!
- Et le retour d'Allemagne ! Putain de Putain ! Fameux voyage dans les courants d’airs glacés des Marmon, nos petits bahuts V8 qui malgré leurs grosse consommation de 35 litres au 100 se traînaient sur les autoroutes à fond à 65-70 km/h ! Dans les descentes quand ils accrochaient un 80-85, on se cramponnait aux ridelles en priant très fort car ça devenait vraiment casse-gueule ! En plus, on était souvent en panne avec ces engins, mais à ce retour ils avaient tourné nickel, heureux eux-aussi de regagner la France. Mais sans doute pour qu'on fasse jolis ou virils auprès des anciens boches, ils étaient restés débâchés à tous les vents, sur plus de 750 bornes de trajet ! De toutes les façons, pour les deux gugus qui étaient dans la cabine, le chauffage ne marchait bien que l’été ! Alors, enfin arrivés à la caserne, ils nous l’avaient bien promis cette perm de 72 heures et je crois qu’elle était amplement méritée pour toutes ces épreuves endurées. Jamais je n’oublierai, après plus de deux mois d’attente et l’envie folle de retrouver ma fiancée, que ces fumiers avaient sucré notre départ dans nos foyers, juste pour un mégot resté dans le cendrier de la piaule !
- Et moi, en plus, qui ne fumais pas !!! Ah ! Saloperie !!! Ah ! Les Sadiques !!! S’exclamait René, rouge de colère.
- Voir les autres copains du bâtiment partir chez eux en chantant... reprenait Jean-Pierre, même si c’était pour eux la perspective de dormir toute une nuit dans un couloir de train bondé, épuisés, calés sur leur sac à même le plancher recouvert de mégots, de crachats et des dégueulis des bourrés, en attendant patiemment de traverser comme ça toute la France dans des wagons pourris!… 
- Putain les glandes ! 
- Et nous, les punis, on avait l’ordre d’astiquer la chambrée tout le week-end, alors qu’elle était déjà nickel et qu’il n’y avait plus aucun gradé dans les murs pour venir vérifier ! Un mois de plus à attendre le retour à la maison ! Je ne l’oublierai jamais !
- Desserre les dents ! Ajoutait Pascal… Il y a eu quand même des bons moments ! Je ne me suis pas bourré de vitamines ou de cachets miracles pour rien ! Il fallait être en forme aussi pour retrouver la copine, quand comme moi, on sortait dans les bars et les boîtes de la ville à la rencontre des minettes peu farouches…
Mais Jean-Pierre, d’une voix étranglée, ajoutait :
- Tu parles bien pour toi, mon pote, mais moi je suis resté fidèle! Je me souviens encore les gars, comme si s’était hier, du cafard que j’ai eu à l'incorporation, « les boules » atroces au moment du départ du train, de la séparation consommée avec ma chérie… Je me souviens que cette angoisse était omniprésente dans ma gorge et mon bide, tout au long du premier mois des Classes à toujours se demander ce qu’on foutait-là et pourquoi ils nous en faisaient tant baver ?
La question demandait sans doute une réflexion... et un silence de plomb s'installa pendant quelques secondes. Puis, interminable, la litanie reprenait ses droits...
- Tenez, un petit rappel des interminables séances « d’Ordre serré » sous la pluie battante, avec les marches aux pas : « Une ! Deux ! Une ! Deux … Deux ! Deux ! Changez le pas ! Deux !... Deuze !...Deuze!... »
- Et les bivouacs avec les demi-tentes boutonnées sur deux frêles piquets de bois en trois morceaux branlants. Véritables passoires, elles ruisselaient de partout sous la pluie. 
- Et les bains de boue, les courses avec tout le barda sur le dos à crapahuter avec le BLU de 35 kilos, nos ampoules aux pieds qui gonflaient à chaque pas dans des Rangers aux cuirs durs comme du métal. Au retour, on n’avait pas une minute pour souffler car c’était le moment du cirage des pompes façon miroirs ! Si par malheur le contrôle n’était pas au goût du brigadier, on avait le droit à un deuxième tour de parcours ! Ensuite départ pour les défilés, les chants, le maniement d’armes, les « Garde-à-vous ! Repos ! » qui se déformaient rapidement en des « Vouuuus ! Pôôôô ! », complètement débiles !
- Putain, oui ! 
- Et les nettoyages incessants, les armoires vidées à l’improviste, les lits mis en batterie, les réveils en pleine nuit, les ordres et les contre-ordres, les engueulades pour un rien… avec toujours une vulgarité où les « belles bites et les grosses burnes » n’étaient que dans slips kaki des petits gradés !
« Rien à faire, Messieurs les couilles molles ? Allez ! Une petite séance chronométrée de démontage-remontage du fusil FSA 49/56… Et puis sortez les ponchos, les gants et le masque car après on ira faire les cours de Théorie et de Pratique sur l’effet des gaz de combat et la protection NBC dans le caisson étanche fermé à clef ! »
Pascal ne plaisantait plus, il ajoutait.
- Quel mauvais souvenir que cette cave ! Moi j’étais claustrophobe et enfermé dans ces gaz opaques et piquants j’étais complètement paniqué ! Je crois que c’est grâce à vous les gars que je n’ai pas piqué une crise de nerf et fracassé la tête du brigadier…
- Heureusement, coupait René, que l’ambiance était plus sympa pendant les tirs aux stands bétonnés ou en plein air.
- Bof ! Tu trouvais ça super ? Ces exercices de tir à la mitrailleuse AA52 qui s'enrayait ou au Pistolet-mitrailleur Mat 49 ? reprenait Jean-Pierre qui semblait avoir l’ascendant sur le groupe. Rappelez-vous quand même qu’on tombait parfois, juste à côté de nous, avec une équipe de bras cassés, des bleus surpris par le recul, qui étaient à deux doigts de se retourner avec la bécane crachant encore le feu ? Purée ! Ce bordel! Et les nouvelles engueulades !
- Pas grave ! Ils avaient droit à 10% de pertes!
- Parce que tu les connais toi les chiffres?
- Ben non, c'est juste ce qui se disait...
- Oui, mon vieux, mais les vrais chiffres, personne ne les connait! Ces putains de journalistes, préfèrent se pencher sur la couleur du string de Madonna que de savoir les pertes du Service Militaire! C'est comme ça, on met un képi dessus et on oublie les accidents, les types tombés du train ou du haut d'un pont!
Pour faire diversion, René reprenait le sujet où on l'avait laissé...
- Et les tirs au LRAC, vulgairement appelé Bazooka par les gars des cités ou même avec ce petit missile Milan ou Machin-chose, contre le vieux tank Sherman au Camp de Canjuers! Allongés en plein cagnard sur la caillasse chauffée à blanc, on était tous à gaspiller ces engins à je ne sais plus quel coût faramineux dépensé pour chaque pélot ? Mais il fallait être au point pour régaler bientôt les yeux du Ministre qui devait assister au "Tir du Siècle"!
- C’est sûr ! Ajoutait Jean-Pierre, un peu calmé. Je me rappelle qu’il n’y en a pas eu un de nous qui a réussi à toucher la cible, malgré cet engin soi-disant "filoguidé" comme les télécommandes à piles de nos voitures d’enfants… ça, c’était plutôt marrant ! Et les légionnaires d’à côté qui nous charriaient à chaque tir raté.
- C’était dur… conclu Dominique dans un soupir qui en disait long… dur... dur ! 
- Mais il y a des petits malins parmi nous qui se sont vengés !
- Oui, heureusement, la Résistance s’organisait repris René qui se mettait subitement au Garde-à-vous en entonnant virilement les deux premiers vers du Chant des Partisans de Kessel et Druon:
« Ami, entends-tu le vol noir des corbeaux sur nos plaines ?
Ami, entends-tu les cris sourds du pays qu’on enchaîne ?... »
Puis il ajoutait :
- Tiens, la fois par exemple où on avait bricolé la grenade à plâtre !
La nuit précédente on avait fait un exercice dans la nature, avec les fusées éclairantes équipées de leur petit parachute et tout le toutim ! Et il y avait cet enfoiré de 
Maréchal des Logis-Chef, bien surnommé « Maréchal des jolies fesses », qui nous tendait des tas de pièges car il connaissait le terrain par cœur…

Je n’avais pas utilisé ma grenade d’exercice en plastique bleu car j’avais balancé trois fumigènes pour faire écran et on n’y voyait déjà plus rien… Alors, j’avais pu rentrer facilement avec ce trésor planqué au fond de ma poche. Dès le lendemain, en bons artificiers bricoleurs, vous vous souvenez qu'on avait donné un petit coup de fouet aux performances initiales de l’engin. On avait ajouté du sucre en poudre et quelques cylindres de poudre d’une balle de 12-7 qu’on avait récupérée aussi et démontée bien soigneusement. 
La nouvelle composition était touillée consciencieusement et réintroduite peu à peu dans le petit récipient anodin… 
À la sortie suivante sur le terrain, je t’assure que le Margis-Chef avait eu très chaud aux oreilles quand la grenade boostée lui a pété juste dans son secteur… Sa casquette Bigeard avait fait, ce jour-là, un beau vol plané ! Record du Monde !
"On est les Champions, On est les Champions!" reprirent alors en choeur les cinq compères. Jean-Pierre, mort de rire, complétait le récit par une boutade supplémentaire.
- Oui, ça aurait bien plu à nos vieux, car c’était la lutte héroïque du Maquis FTP contre le Maréchal et sa Milice !
Il renchérissait aussitôt sur une autre anecdote.
- J’ai entendu dire aussi qu’un biffin avait piqué à Suippes le PM d’un Sous-Lieutenant, un appelé lui-aussi, mais un sale type, un bourge ou un aristo, trop fier de ses barrettes et qui faisait bien chier son monde, peut-être pire que les gros butés d'active! 
Il avait suffit, en deux temps et trois mouvements, qu'il pose son engin le temps d'aller pisser assez loin pour qu'on ne voit pas sa nouille, pour que le type embarque le PM et parte vite l’enterrer à un endroit où il est certainement encore aujourd’hui. Ce bel officier bien crâneur, s’était retrouvé alors dans un sacré merdier !
Il pleurait comme un gosse et faisait tout mou dans son treillis ! 
Les gars aussi d’ailleurs n'en menaient pas large, mais aucun n’avait lâché le morceau, par solidarité.
- Si on avait fait ça au moindre légionnaire, gradé ou pas, tu peux être sûr que personne de tout le groupe ne s’en serait tiré !
À ces paroles, Dominique joignait le geste : une longue balade de son pouce dressé, glissant tout au bord de son cou…
- Et ce sacré Tipou ?... Vous savez ? sautillait Pascal qui avait retrouvé sa bonne humeur et qui était secoué par toute son impatience. Tipou ! Tipou ! Bon sang ! Celui qui ne se lavait pas et qu’on avait sorti de son lit pour le passer à la douche ! C’était bien à cause de types comme ça qu’on se retrouvait en manœuvres avec des sacs de couchages qui puaient autant ! Tu ouvrais la fermeture Eclair et tu avais aussitôt l’envie de vomir ! Beurk ! Cette odeur infecte de sueur et de pue-des-pieds !
- Je ne sais pas ce qu’il est devenu Tipou, ajoutait Jean-Pierre, car on l’a pas eu bien longtemps avec nous. Moi je me souviens qu’il en a bavé ! Il crachait tous ses poumons pendant le footing matinal de dix bornes car il était complètement asthmatique. C’est dingue ! Quand je pense au nombre de planqués qui se faisaient réformer à la pelle à cette époque. Je crois que c’était même les 2/3 de la classe d’âge ! Vous vous rendez-compte ? 
- On n’était donc que 33 couillons à partir sur 100 ?
- Et oui, mon vieux! 
- On y était parce qu’il fallait le faire, ce Service National, et qu’on avait rien demandé… 
- Et quand je pense que les autres, surtout des étudiants pistonnés, restaient tranquillement chez eux, j’ai la haine ! Pourtant, en majorité ces types étaient tous capables physiquement de faire leur devoir et d’un autre côté, quand je pense qu’on avait incorporé ce type-là qui n’avait rien à y faire ! Il en bavait à la course et le Juteux le forçait tout le temps. Pour ce malade mental galonné, c’était du pain bénit, il avait son bouc-émissaire attitré sous la main ! Pendant ce temps-là, nous, on était peinards, il nous foutait royalement la Paix. Mais vous vous souvenez de la trouille que Tipou avait aussi du vide ? Au parcours du combattant, dès qu’il fallait monter sur un agrès ou à une corde, il se faisait humilier, incendier proprement !
- Qu’est-ce qu’il a pu prendre comme coups de pieds au cul, Rangos ferrées, pour lui donner de l’élan !
- Il s’est peut-être pendu ? 
- Il y en a qui l’ont fait… précisait René.
Dans une chambre presque à côté de la nôtre, ça s’était bien passé comme ça et tous les gars de la piaule avaient été immédiatement réformés pour que le bruit ne se répande pas de trop...
- Merde ! Je n’y avais pas pensé ! Au fond, c’était peut-être Tipou ?
- Non, je ne crois pas, on s’en serait souvenus. Mais d’un autre côté, comme on partait tous les quatre matins en manœuvres, ça c’est peut-être passé comme ça ? 
- On ne sait pas vraiment ce qu’il est devenu ce Tipou... comme d’autres… 
- Mais pour certains, on sait… c’est sûr!…

Un silence pesant tomba tout à coup sur l’assistance…
- Certains comme Mathieu… lâcha Philippe qui n’avait pas encore parlé et qui s’effondrait subitement en larmes…
- Ne pleure pas, Phil, espèce d’andouille ! Reprit René qui serrait maintenant son copain contre lui, tu sais qu’on est tous là, un peu pour lui aujourd'hui…

Comme je regardais incrédule cette scène, Jean-Pierre m’en toucha juste un mot, en aparté, en pointant et tapotant son index sur un nom gravé sur le fût de la quille…

- C’est notre pote Mathieu… écrasé par un AMX 13 à Mourmelon, dans son trou individuel. Il était super bien camouflé... comme un con avec son casque lourd décoré de son filet kaki remplis de feuilles de fougères et avec le masque à cartouche sur la tronche, en plein exercice d’alerte aux gaz…
Le conducteur du char ne l’avait pas vu… 
C’était un tout nouveau…
Silence…
Pleurs…
Rires…

Le temps passait, Valenciennes m’attendait…
J’étais un peu sonné par ce plongeon dans des souvenirs qui étaient aussi, un peu les miens…
C’était une curieuse réunion que celle-ci, autour de leur quille, façon « Anciens Combattants » et qui rassemblait ces quelques bons amis.
Ils avaient connu aucune guerre, aucun fait d’armes, aucune médaille sur la poitrine, ils n’avaient absolument aucun prestige militaire. Ils ressassaient juste des pauvres petites histoires de bidasses sans valeurs.
Mais chacun d’eux n’aurait trouvé aucune excuse valable pour se soustraire à cette réunion. Alors ils se retrouvaient là, dans ce bar, pour cet anniversaire rituel de la disparition de leur pote, hommage fraternel, sublime…

Je remontais dans ma voiture, le trajet restait long…
J’allumais machinalement mon autoradio pour me changer les idées.
C’était une émission de divertissement rassemblant autour d’un animateur médiatique, une kyrielle d’invités du Monde du Cinéma, de la Chanson et autres Stars de la Télévision.
C’était franchement drôle.
Les blagues fusaient. Certaines subtiles, d’autres lourdes et salaces…
Etrangement, la conversation porta alors sur le « Bon temps du Service Militaire »… 
Aucun d’entre-eux ne l’avait fait !!!… Ni l’animateur, ni ses invités !
Un célèbre présentateur, passionné de mécanique et de vitesse, avait cependant réussi dernièrement à se faire offrir, tous frais payés par les contribuables, un petit stage au sein de l’Armée de l’Air…
Bien entendu, il précisait :
«Le service, j’lai pas fait à l’époque, car ils avaient leur quota. Mais j’l’ai bien rattrapé pendant cette semaine qui valait bien toute une année… »
Ah ! « Le Quota », oui, il avait bon dos !
Je n’avais encore jamais entendu parler que lors des "trois jours", on avait arrêté la liste et qu’on renvoyait les appelés chez eux parce que les chiffres étaient atteints ! 
Quel mensonge !
Trouver des années après ce genre d’argument, pour ne pas avouer qu’il avait lui-même probablement manigancé à l’époque une bonne combine pour y échapper, me paraissait bien peu glorieux…
Mais le prétentieux fanfaron avait déjà fini son autocritique et se mettait aussitôt de nouveau en valeur. Droit dans ses bottes, il précisait qu’il en avait bavé récemment avec tous ses nouveaux bons copains, les prestigieux pilotes de chasse !!!
J'étais déçu et un peu outré et ne pouvais m'empêcher de dire à voix haute dans la voiture:
- Non, mon pote ! Il faut pas pousser ! Ne te donne pas une excuse alors que tu t'es dégonflé et que tu as fuit lamentablement dans ta jeunesse ! Car commenter devant ton micro et dans ton fauteuil un meeting de la Patrouille de France ou le défilé du 14 Juillet n’est pas tout à fait comparable à la notion de Servir son pays ! Visiter une base aérienne pendant sept jours n’est pas connaître le dur apprentissage des manœuvres par tous les temps et des entraînements nécessaires pour acquérir le « niveau »…
La seule femme du groupe semblait cependant compatir et admirer l’épreuve de son acolyte, pendant que les autres continuaient à se tordre de rire dans des moqueries stupides.
Enfin, cerise sur le gâteau, chacun révéla à son tour ses propres secrets et ficelles pour avoir heureusement échappé à l’Armée !
Il y avait celui qui avait pissé tous les soirs dans son lit…
Celui qui hurlait dans son sommeil.
Celui qui avait réclamé son gentil flingue pour dormir avec.
Celui qui s’était fait pistonner par ses relations politiques.
Celui qui tournait toujours à gauche quand il fallait aller à droite
Celui qui s’était fait passer pour un fou, classé P4 ou P5…
Celui qui, objecteur, pacifiste extrême et doué d'une grande intelligence avait convaincu lors de ses trois jours, ce "bel imbécile" de psychologue militaire…
D'ailleurs tous s'en vantaient et aucun ne se sentait concerné par ce service à rendre à la Nation. Unanimement, ils en venaient à ce mot d’ordre évident :
« Quelle belle connerie que de devoir gâcher bêtement une année de sa vie pour faire l’Armée ! »
Je regrettais de ne pas avoir eu le temps de les observer, dans les couloirs du Centre de Recrutement de Vincennes, étudier leur comportement digne d'une "Cour des Miracles" pour pleurer, moi aussi, sur cette triste jeunesse éclopée, boiteuse, incontinente où certains fous poussaient des cris déchirants d'aliénés ou de bêtes sauvages...
Avec le recul, pourquoi la Médecine d'aujourd'hui ou le Vatican n'étudient pas tous ces cas intéressants de guérisons miraculeuses?
Il y a pourtant ici, matière à remonter le moral de bon nombre de malades! Tenez, l'un de ces réformés mentaux P4 ne s'est-il pas présenté récemment à l'Académie Française?... et un autre n'a 'il pas composé une petite rengaine à la gloire des soldats de 14, profitant du Centenaire pour retrouver une "motivation militaire"?
Malheureusement, pas de miracles... seulement des imposteurs et des menteurs qui avaient bien profité de ce temps, que nous... nous avions effectivement « perdu »! 
Ils en avaient bien bénéficié pour se placer idéalement dans leur carrière dorée… et personne aujourd'hui pour émettre la moindre remarque sur leur légitimité née de mensonges!
Il y en a toujours qui savent bien refiler leur part du boulot aux autres !
Heureusement, qu’il ne fallait plus songer à défendre nous-mêmes notre Patrie, car on serait bien mal parti avec tous ces tricheurs, tous ces pistonnés, tous ces lâches, les mêmes que les « embusqués » et tous les déserteurs des guerres précédentes.
Mais attention, nous... nous avons appris depuis et bien compris la leçon !
Maintenant, il ne faudrait plus compter sur nous, non plus ! 
Nous… toutes « ces bonnes poires » à l’époque, mais parfaitement au parfum maintenant, nous qui refuserions maintenant d’aller au casse-pipe et de mourir éventuellement demain pour protéger le beau confort de ces Messieurs !!!…
Alors, ces gens éminents n’auraient plus que la fuite pour sauver leur peau… loin… à l’étranger… comme d'autres l'ont fait en leur temps, mais sans doute, en se réservant toujours entre eux, un petit coup de piston réciproque, une belle petite place de choix, confortable et au soleil !
La conversation radiodiffusée continuait à déraper…
Sous couvert de bons mots, galvanisés les uns par les autres, ils arrivaient même à insulter tous ces jeunes pauvres crétins qui avaient bien voulu y partir !
Comme si à l’époque le Service National était facultatif ?
Non! « Messieurs, les Célébrités », il ne l’était pas !
Non! L'Europe n'était pas en paix et cette année d'armée ne se présentait pas comme une villégiature de colonie de vacances. 
Nous étions à l'époque encore dans la Guerre Froide, le Mur de Berlin n'était pas tombé et à quelques centaines de kilomètres à peine, s'entassaient les matériels et les hommes du Pacte de Varsovie et de l'URSS...
Un peu plus loin, c'était l'Irak et l'Iran qui étaient en cendres...
Cette menace, nous les simples troufions, nous y pensions tous et plus encore, lors des exercices, marchant à pied avec des équipements dérisoires, au côté des chars Pluton et de leurs ogives nucléaires ! "Crains Dieu et ses Foudres" était leur devise. Nous savions que ce n'était pas un jeu et que si la France avait souhaité notre participation, ce n'était pas juste pour nous sortir et nous occuper une année... Il s'agissait seulement d'une obéissance à une obligation de la République!
Alors, fuyards de tout poil, faites attention à votre arrogance et à vos mensonges car un jour il y aura peut-être une opinion publique qui vous demandera des comptes !
Ce jour-là, il faudra peut-être songer à rétablir la vérité sur votre curriculum vitae et il sera temps de faire enfin le grand ménage !
À l’époque, tout emploi public n’était, soit disant possible, que si l’on était dégagé de cette obligation militaire. Mais, force est de constater que les nombreux passe-droits ont été plus efficaces que la Loi et que les emplois de fonctionnaires ou de véritables futurs « planqués » ont été pourvus à nombre d’entre vous, y compris dans des postes de responsabilité nationale ou politique, ou dans des stations radiophoniques...
Donc, attention au retour de flamme, vous qui êtes du PAF !
Cette médiocrité dans leurs fanfaronnades me rappelait amèrement les tristes paroles de Coluche contre les militaires qui avaient bien voulu faire la guerre !
- Ha ! Les cons ! disait-il !
Mais heureusement que d’autres soldats s’étaient sacrifiés à l’époque pour notre Liberté et la sienne… à ce pauvre Coluche, que j’aimais bien pourtant… Il valait mieux aujourd’hui ne retenir que certains de ses bons sketches et toute son action pour les Restos du Cœur… car parfois il allait beaucoup trop loin… pour rien… et sans savoir au fond, de quoi il parlait !

Sur les ondes, les réactions joyeuses du public se superposaient parfois à des propos dignes d’arrière-salles de gargotes…
Certains rires devenaient bêtes, certains même étaient artificiels, tristement rajoutés par la Régie avec quelques applaudissements pour bien soutenir l’ambiance…
Je pensais également à cette autre ambiance dans le bar, à cette fameuse quille et cette belle fraternité, grandie entre ces cinq gars, au fil des jours de cette année « gâchée »…
Puis me vint un instant l’image de Mathieu… sa triste fin de troufion minable, écrasé dans l’indifférence générale et cette stupide inutilité pour l’Histoire de la France!
Puis une blague, à propos d’un autre sujet, me fit sourire…
Une autre, croustillante, finit par me dérider complètement.
Bon sang, sans eux, que notre vie serait bien triste !
Heureusement qu’ils sont là, tous ces pitres du Show-biz !
Ils n’ont pas un fusil dans les mains, eux ! Ils ne font de mal à personne et ce n’est que de l’humour, « The French Spirit » !
Oui, vraiment, à défaut d'être utiles, ils sont tellement drôles !!!
Ce sont des célébrités…
Ma colère peu à peu était retombée, maintenant je leur pardonnais…

J’avais ma conscience bien tranquille, mais cependant, je n’aurais pas voulu avoir la leur…

                                                                   JPFo.

(Nouvelle dédiée à tous les appelés qui ne sont pas revenus...)


P.S.
J'aurais pu y ajouter le cas "Florent Pagny", bravement revenu de Patagonie pour rendre hommage au sacrifice des Poilus... Quand on sait que l'individu s'est fait réformer P4 pour échapper à l'époque à ses devoirs militaires, j'en connais certains qui doivent  avoir des fourmis dans les os, à Douaumont ou Notre-Dame de Lorette!
Pour détendre un peu l'atmosphère, car parfois ma colère est grande vis à vis des "planqués",  je vous propose la lecture d'une seconde nouvelle, celle-ci également sur le thème "Histoire Militaire" qui est, pour ceux qui me connaissent, un de mes sujets de prédilection...


Papaver Rhoeas…
  • Papaver Rhoeas ?
  • Oui Jacques… Papaver Rhoeas… C’est comme cela qu’on les appelle…
Un long silence suivit cette précision, je ne voulais pas interrompre mon ami.
Exilé depuis longtemps à Paris, il m’avait entraîné dans son Cantal natal pour vendre l’antique maison de son arrière grand-mère décédée trois ans plus tôt. Ainsi, nous étions là, tous les deux à marcher à deux pas de la grange, sur des millions de coquelicots…
Au bout du champ la maison respirait, toutes fenêtres ouvertes, au dur soleil du mois d’août…
Le paysage était grandiose. Un ciel d’azur d’une pureté limpide nous enveloppait, le vert des frondaisons s’agitait sous une légère brise apaisante et au sol nous foulions ce long tapis de rouge…
Mon ami se pencha et délicatement il détacha du sol une de ces gouttes de sang et se mit soudain à me poser une étrange question.
  • Sais-tu qu’on fête cette année 2009 l’anniversaire de Barbie ?
  • Bien sûr Damien, mais pourquoi me dis-tu cela ?
  • Parce que la mémé Marie, avait ici à Ruynes sa fabrique de poupées et je crois bien, quoiqu’on en dise, qu’elle a détrôné largement la production des Américains !
  • Ah ?…
  • Tu es bien un gars de la ville ! Regarde… Tu coupes trois centimètres de tige, tu retournes les pétales comme ça et tu perces la robe là… Voilà, les bras sont faits !
Etrangement, Damien avait transformé en un tour de main la petite fleur en une magnifique poupée !
  • C’est elle qui te l’a appris ?
  • Oui, j’étais tout gosse. Elle tenait ça de Jules, son père. 
    C’est lui, avec toutes ses médailles, qui est encadré sur la cheminée. Te rends-tu compte que c’est mon « arrière-arrière » grand-père ! En 1914 il était parti la fleur au fusil, peut-être même avec un de ces coquelicots accroché au col de sa tunique… 
    Il avait tout connu et passé indemne à travers des pires atrocités qu’on puisse imaginer. Au début d’août 1916 il était revenu ici, à Ruynes en Margeride, pour dix jours de permission et revoyait enfin sa fille qu’il avait quitté à l’âge de deux ans seulement. Mais la petite Marie ne le reconnaissait plus et ne voulait pas parler à un homme si hirsute qu’il lui faisait peur… 
    Cependant, un jour qu’ils se promenaient tous ensemble en famille, il lui montra le geste que je viens de te faire… 
    Ainsi, à partir de ce jour, Marie ne pouvait plus rencontrer des coquelicots sans avoir l’envie irrépressible de confectionner la belle poupée de son « Papa soldat »…
  • Et qu’est-il devenu ?
  • Il est mort dès son retour à Verdun, lors de l’offensive du 21 août…
  • Mais…
  • C’était la guerre, il y a près de cent ans… On oublie tout aujourd’hui, mais pourvu que personne ne puisse revivre tout ce gâchis ! Tu vois, dans mon enfance, on m’a dit que les veuves et les fillettes sont là à nos pieds, dressées devant nous par million. Toutes ces fleurs ont été semées dans ce champ, par Marie. Chaque année, elle a récolté les précieuses graines, fines comme du sable et les a répandues inlassablement au même endroit, tellement ensemencé au fil des années, que désormais il se couvre tout seul d’un drap du Souvenir…
Ainsi, ce que j’avais pris pour une superbe fantaisie de la nature, n’était qu’un sanctuaire !
Toutes ces fleurs, représentant les compagnes des Poilus martyrisés, témoignaient en cet été radieux, de leurs souffrances, des pleurs, des ruines… Là, dans ce champ, isolé et anonyme…
Juste un champ de Ruynes…



(Nouvelle, premier prix du concours de Ruynes en Margeride 2009)

Fin et à suivre... 

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